Don d’assurance-vie antérieur au décret du 23 décembre 2016 – Vlabel s’incline devant la position de la Cour de cassation
Dans un arrêt du 21 avril 2022, la Cour de cassation s’est prononcée sur la question de l’application de l’impôt successoral flamand en présence d’un don d’assurance-vie soumis aux droits de donation. Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt de la Cour d’appel de Gand du 6 octobre 2020.
L’affaire porte sur l’impôt successoral flamand. Au moment du décès, le décret fiscal du 26 décembre 2016 n’était pas encore entrée en vigueur. De même, le point de vue de Vlabel en matière de donation d’un contrat d’assurance-vie (position n° 15133 du 12 octobre 2015) n’existait pas au moment de la donation litigieuse.
Les faits
Madame MV est titulaire de deux contrats d’assurance-vie. Le 2 février 2011, elle décide de céder la pleine propriété de tous ses droits sur les contrats à ses fils, ce qui comprend notamment le droit de désigner et révoquer les bénéficiaires. Au moment du don d’assurance-vie, les droits de donation ont été payés sur la valeur de rachat des contrats. Après la donation, les fils modifient la clause bénéficiaire et se désignent eux-mêmes comme bénéficiaires. Le 27 août 2016, MV décède et l’administration fiscale flamande (Vlabel) prélève les droits de succession sur base de l’article 2.7.1.0.6. CFF.
Don d'assurance-vie
Pour rappel, la situation visée est la suivante. Afin d’éviter l’application de l’article 2.7.1.0.6. CFF/article 8 C. succ., le preneur d’un contrat d’assurance-vie cède l’intégralité de ses droits au bénéficiaire. L’exemple classique est celui de la structure « AAB » où A est à la fois preneur et tête assurée. B est le bénéficiaire des capitaux en cas de décès de A. Au lieu de racheter son contrat d’assurance-vie et ensuite donner les capitaux rachetés à B, A fait don de tous ses droits sur son contrat d’assurance-vie à B. Après le don d’assurance, le contrat se transforme en une structure « BAB » où B devient de facto le nouveau preneur d’assurance.
Dans le cas d’un don d’assurance-vie, la question qui se pose est la suivante. Au moment du décès ultérieur de A, le preneur d’assurance initial, l’administration fiscale est-elle toujours fondée à prélever les droits de succession sur la valeur des capitaux versés à B en application de l’article 2.7.1.0.6. CFF/article 8 C. succ. ?
Position des services fédéraux
La position constante de l’administration fédérale et du Service des décisions anticipées est la suivante. Par l’effet du don d’assurance-vie, B est juridiquement devenu le nouveau stipulant. La stipulation pour autrui initiale (« AAB ») s’est transformée en une stipulation pour soi-même (« BAB »). Au jour du versement des capitaux à B, la fiction fiscale de l’article 8 C. succ. ne peut pas s’appliquer et les droits de succession ne sont dès lors pas dus.
Position de Vlabel
Dans sa position initiale n° 15133 du 12 octobre 2015, Vlabel prend une position totalement opposée à celle défendue par l’administration fédérale et le SDA. Selon elle, le don d’assurance-vie ne transforme pas la stipulation pour autrui initiale en une stipulation pour soi-même. Au yeux de Vlabel, même après le don d’assurance-vie, A est et reste le stipulant. Au décès de A, les capitaux versés à B sont donc soumis à l’application de l’article 2.7.1.0.6. CFF. Par ailleurs, le fait que le don d’assurance-vie ait été assujetti aux droits de donation n’y change rien. Même dans ce cas, c’est l’intégralité du capital qui sera soumis aux droits de succession dans le chef de B. Sur cette problématique, nous vous renvoyons à notre article « Donation d’assurance-vie en Région flamande : la Cour constitutionnelle se prononce » .
Le 23 décembre 2016, la Région flamande à consacrer la position de son administration en modifiant l’article 2.7.1.0.6. CFF. En substance, le décret flamand prévoit désormais que la présomption de gratuité en faveur de B ne peut être renversée en démontrant qu’il lui a été fait don du contrat d’assurance-vie. En d’autres termes, le don d’assurance-vie ne modifie pas l’identité du stipulant, qui reste le preneur d’assurance initial (donateur). Le décret prévoit toutefois une règle de déduction spécifique pour les dons d’assurance-vie qui auraient été assujettis aux droits de donation. Dans ce cas, le capital qui est soumis aux droits de succession au décès de A doit être préalablement diminué de la base imposable qui a servi pour le calcul des droits de donation. Si le don d’assurance-vie n’a pas été assujetti aux droits de donation, c’est toujours l’intégralité du capital qui sera soumis aux droits de succession.
A noter qu’entre-temps, la Région wallonne a également modifié l’article 8 C. succ. pour l’aligner sur ce qui s’applique en Flandre (sur ce sujet, lisez notre article « Donations mobilières et assurance-vie : nouveautés en Région wallonne » ).
Arrêt de la Cour de cassation
Dans son arrêt, la Cour rejette le pourvoi de la Région flamande et confirme l’arrêt de la Cour d’appel de Gand. Elle consacre ainsi la thèse des services fédéraux. Sur base des principes applicables au moment de la donation litigieuse, rien ne permettait à Vlabel d’imposer les capitaux recueillis par les bénéficiaires au dénouement du contrat.
Afin de se conformer à l’arrêt de la Cour de cassation, Vlabel a récemment modifié sa position n° 15133. Pour les décès intervenus jusqu’au 31 décembre 2016 inclus, les capitaux versés à B dans notre exemple ne tomberont plus sous la fiction fiscale de l’article 2.7.1.0.6. CFF. Vlabel a également indiqué que l’arrêt et sa position modifiée ne constituent pas un évènement nouveau ouvrant droit à une procédure de dégrèvement d’office.
Pour plus d’information à ce sujet, n’hésitez pas à nous contacter.