Achat scindé
L’achat scindé est une technique de planification successorale fréquemment utilisée, tant en Belgique qu’en France. Au moment d’acheter un immeuble, les parents en acquièrent l’usufruit et les enfants la nue-propriété. De leur vivant, les parents peuvent occuper le bien et en percevoir les revenus. À leurs décès, les enfants deviennent automatiquement pleins propriétaires du bien et ce, sans devoir payer de droits de succession.
Maison située en France
Au moment d’acquérir leur résidence secondaire en France, beaucoup de belges recourent donc à la technique de l’achat scindé. Dans ce contexte, comment sera fiscalement traité cet immeuble dans la succession du défunt résident belge ?
En vertu de la convention franco-belge en matière d’impôt sur les successions, la France dispose du pouvoir d’imposer les biens immeubles situés sur son territoire. De son côté, la Belgique peut également imposer ces biens et ce, même si ceux-ci ont déjà subi une imposition en France. Afin d’éviter la double imposition, la Belgique imputera sur l’impôt belge l’impôt éventuellement perçu en France.
En définitive, lorsque le défunt possédait une seconde résidence en France, il faudra tenir compte à la fois des règles fiscales belges et françaises. Dans notre article précédent, nous avions déjà analysé les pièges à éviter en cas d’achat scindé d’un immeuble en Belgique. Qu’en est-il lorsque l’achat porte sur un immeuble situé en France ? Quelles sont les exigences fiscales à respecter de l’autre côté de la frontière pour éviter toute discussion avec l’administration fiscale française ?
Article 751 du CGI
De façon relativement similaire à la législation fiscale belge, l’article 751 du Code général des impôts français instaure une présomption. En vertu de celle-ci, tout bien meuble ou immeuble appartenant pour l’usufruit au défunt et pour la nue-propriété à l’un de ses héritiers est réputé, jusqu’à preuve contraire, faire partie de la succession de l’usufruitier.
Les héritiers qui peuvent démontrer que le démembrement résulte d’une donation régulière (acte notarié) consentie plus de trois mois avant le décès de l’usufruitier échappent à cette présomption. Dans cette hypothèse, aucun impôt successoral ne sera dû au décès de l’usufruitier. Dans le cas contraire, la valeur de la pleine propriété du bien réintègrera fiscalement la masse successorale et le nu-propriétaire sera imposé sur cette valeur.
Généralement, les enfants financent la nue-propriété du bien au moyen de fonds préalablement donnés par les parents via une donation indirecte belge (don bancaire). De cette manière, aucun droit de donation n’est dû en Belgique sauf si les parents ne survivent pas à la « période suspecte » de trois ans (Bruxelles et Flandre) ou cinq ans (Wallonie).
La donation indirecte ne semble pas remplir les conditions de formes exigées par l’article 751 du CGI. En effet, l’administration fiscale française apprécie strictement ces conditions : pour elle, seuls les dons manuels enregistrés en France sont considérés comme ayant une date certaine permettant d’écarter la présomption fiscale. Par conséquent, la combinaison des exigences du droit français avec la pratique belge des donations indirectes pourrait poser problème.
Pour parer à cette difficulté, il est conseillé de réaliser le don qui permettra aux enfants de financer la nue-propriété devant un notaire français. Celui-ci sera uniquement soumis aux droits de donation belges au moment de son enregistrement auprès de l’administration fiscale belge. Il faut également s’assurer que soit insérée dans l’acte notarié constatant le démembrement de propriété une clause sur l’origine des deniers.
Pour les propriétaires qui ont déjà acheté leur seconde résidence en France, et qui seraient passés à côté de ces considérations fiscales, il serait utile de se rapprocher de leur estate planner et/ou notaire français pour s’assurer que l’opération réalisée réponde aux conditions de l’article 751 du CGI.
La donation immobilière comme alternative
Les parents pourraient aussi décider d’acheter la pleine propriété de l’immeuble et procéder par la suite à la donation de la nue-propriété à leurs enfants. L’article 751 du CGI prévoit expressément qu’une telle donation met en échec la présomption pour autant que le démembrement ait eu lieu plus de trois mois avant le décès et que la valeur de la nue-propriété ait été déterminée selon le barème de l’article 669 du CGI. S’agissant d’un immeuble situé en France, cette donation sera uniquement soumise à la fiscalité française. En fonction des circonstances (prix du bien, âge de l’usufruitier, abattement légal, etc.), cette solution pourrait s’avérer plus intéressante que l’achat scindé.
Pour éviter des mauvaises surprises souvent des années plus tard, les parents résidents belges auront à l’esprit toutes ces questions et y auront répondu avant d’envisager l’achat scindé d’une maison en France.